être ou paraître ?
- garancedelville
- 17 nov. 2024
- 5 min de lecture
Coucou mes amis sérieusement chaotiques, j’espère que vous allez tous et toutes très bien en ce mois de novembre un peu maussade. J’ai eu un peu de mal à trouver de l’inspiration pour cet article, j’ai commencé plusieurs textes sans jamais trouver les mots pour exprimer ma pensée et ça m’a frustrée. Puis je me suis rappelée un évènement qui m’a beaucoup appris et qui pourrait être intéressant à partager. C’est un épisode assez personnel dont je n’ai parlé à quasiment personne et pourtant les conclusions que j’en ai tiré me guident quotidiennement et je pense qu’elles méritent leur place sur Sérieux chaos.
J’étais en dernière année de secondaire et un petit comité d’élèves avait la charge de créer notre « Yearbook », un livre pour que nous puissions garder un souvenir de nos camarades et des quelques années que nous avions vécues ensemble. Les membres de ce comité n’étaient pas mes amis et honnêtement ils n’étaient pas des personnes pour lesquelles j’avais beaucoup d’estime. La tradition voulait qu’une page soit dédiée à élire certains élèves pour des sortes de prix. Dans une ambiance un peu toxique d’internat isolé, les « prix » étaient des choses du genre « celui qui boit le plus », « celui qui fume le plus » mais aussi « celui/celle qui ne sort jamais », « celui que tout le monde trouve un peu chiant » et d’autres idées offensantes qui ne font pas rire grand monde, à part trois adolescents en manque d’estime de soi. Un jour, un formulaire est donc arrivé dans notre groupe WhatsApp, nous proposant de voter entre trois personnes désignées pour chaque prix. Les élèves « présélectionnés » n’avaient donc été choisis que par ce petit comité responsable du livre. J’ai parcouru le questionnaire en soupirant. Et puis j’y ai lu mon prénom. Il était inscrit en dessous du titre « NPC ».
NPC est une abréviation pour Non-player Character (en français PNJ, Personnage non-joueur), une expression venant des jeux vidéo, qui est ensuite devenu un moyen de désigner les personnes qui font partie du décor, qui ne se démarquent pas. Le NPC, c’est celui que tu vois tous les jours sans jamais lui parler, celui qui suit ses amis, celui qui ne semble pas vraiment avoir de personnalité. C’est le figurant. NPC. Et mon nom juste en dessous. L’humiliation. Après avoir changé de pays, appris une nouvelle langue, construit une nouvelle vie dans laquelle je me sentais si bien, après tout ça, je n’étais encore qu’une figurante. J’ai senti un coup dans la poitrine. Peut-être ce qu'on appelle l'ego.
Je me suis sentie nulle. J’ai eu la sensation que le monde entier me pointait du doigt pour me nommer inutile et insignifiante. Puis je me suis rappelée que ceux qui m’avaient placée dans cette liste n’étaient que trois ou quatre élèves que je n’aimais pas beaucoup. Des personnes auxquelles je n’avais presque jamais parlé car elles ne m’intéressaient pas (je ne veux pas faire celle qui se croit supérieure mais vraiment c’étaient des gens habitués à beaucoup de toxicité avec lesquels je partageais peu de valeurs). Je suis toujours restée éloignée de ces gens donc c’est assez normal qu’ils m’aient perçue comme une figurante. En prenant un peu de recul, j’ai compris qu’avoir été appelée NPC signifiait que je n’avais pas perdu mon temps et mon énergie à essayer de plaire à des gens qui n’en valaient pas la peine. Je me suis dit que c’était comme un petit accomplissement.
La première étape de ma réflexion s’est donc dirigée vers ces quelques personnes qui m’avaient nommée NPC. Je pensais avoir atteint une belle conclusion : c’était positif d’avoir été nommée ainsi, car cela montrait que je réussissais à vivre comme je le voulais, c’est-à-dire sans me soucier des autres, en me concentrant sur moi-même et les gens que j’aime.
Mais en réalité l’idée de « vivre juste pour moi et ceux que j’aime » ne me correspond pas vraiment. D’abord, je ne veux pas vivre de manière égocentrique, en ne pensant qu’à moi et mon petit entourage. Je veux vivre pour les autres aussi, ceux qui en ont besoin, ceux que je peux aider. Ensuite, ce serait hypocrite de ma part de faire celle qui s’en fout du regard des autres. Si ce blog existe, c’est que j’ai une certaine envie de m'exprimer, d’être entendue, de partager, aussi avec des gens qui ne font pas partie de mon cercle proche. En fait, je pense que toute la différence se situe entre être et paraître. Je veux exister pour d’autres personnes grâce à ce que je suis. Par exemple ce blog, je le fais parce que ça me ressemble, parce que c'est moi, et j'aime me dire que c’est en étant simplement moi-même que je prends peut-être une petite place dans la vie des autres.
Dans mon école, j’ai été moi-même. J’ai participé aux choses qui me plaisaient, je suis devenue amie avec les gens qui m’intéressaient et qui étaient bons pour moi. Ma nature introvertie m’a amenée à me contenter de quelques rencontres précieuses qui ont formé mon entourage pendant deux années. J’ai été un peu discrète et réservée, je ne me suis pas beaucoup impliquée dans l’école. J’ai mené ma vie telle qu’elle me ressemblait. Si j’avais voulu prendre plus de place, être vue par plus de gens, j’aurais dû me forcer. J’aurais été dans le paraître et non dans l’être. Je n’aurais pas été une NPC mais surtout je n’aurais pas été moi.
Il y a des gens à la nature plus sociable, des gens qui connaissent tout le monde et qui ne seront jamais perçus comme des figurants. Ce n’est pas mieux et ce n’est pas moins bien. C’est eux.
Moi je suis comme je suis. Et je crois que je m’aime comme ça. Je pense qu’il y a plein de gens qui me mettraient dans des listes de NPCs. Pas seulement ceux à qui je n’ai jamais parlé mais aussi ceux que je vois souvent, avec lesquels j’ai pourtant un peu de mal à m’ouvrir. Parfois je me dis que c’est dommage que tant de gens ne puissent pas vraiment me connaître car je ne vais pas vers eux. C’est peut-être un peu pour ça que j’écris.
Je ne peux être que moi-même. Ça ne veut pas dire que je ne peux jamais sortir de ma zone de confort mais que même très loin de celle-ci, je ne serai toujours que moi, et la timidité fait partie de qui je suis. Si être moi-même me conduit à être perçue par certaines personnes comme une figurante, ce n’est pas grave. Je sais qui je suis vraiment et je sais aussi que je suis plus que ce qu’on dit de moi. Pour moi, être soi-même ne veut pas dire n’en n’avoir rien à faire du regard des autres, mais abandonner l’objectif de l’apparence, du paraître, pour rechercher purement l’essence, l’être.
Ce texte touche doucement à sa fin et j’espère qu’il aura pu résonner en certains d’entre vous, peut-être plutôt auprès des plus introvertis. Ceux qui, par nature, prennent moins de place, au risque d’être jugés insignifiants ou ennuyants par ceux qui ne prennent pas le temps de dépasser les apparences. J’espère que vous aussi, vous pensez que ce n’est pas grave si les autres ont cette idée de vous. Parce qu’on n’est pas sur Terre pour passer sa vie à prouver aux autres qu’on en vaut la peine. Et parce qu’on n’est pas sur Terre pour passer sa vie à faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Je crois qu’il est normal de rechercher une certaine validation des autres, mais ne serait-ce pas tellement dommage que cette quête se traduise par la construction de notre apparence, plutôt que par l’affirmation de notre identité ?
À bientôt,
Garance
top texte comme d’hab. a celui-ci j’ajouterais meme le proverbe suivant : « si tu vois des NPC partout, c’est peut-être que tu joues en solo depuis trop longtemps ».
trop bel article. t'es peut-être le PNJ de certains mais tu es parmi les MC de beaucoup d'autres <33